E. du Perron
aan
Pedro Creixams en Madeleine Creixams
Nice, 5 januari 1927
Nice, 5-1-27.
Mes chers amis,
Il faut me pardonner encore si je suis en retard avec mes voeux de nouvel-an, que je vous envoie aujourd'hui. Mais voilà, je viens de rebouger, après trois jours affreux. Décidément, la santé ne va guère. Mon état nerveux, d'après le médecin qui m'a examiné à fond, ici, est déplorable; à Menton j'ai eu de la grippe, à Nice, le jour de l'an un genre d'intoxication qui m'a flanqué au lit avec des maux de tête presque insupportables. Ce n'est que depuis hier que je me suis levé. Enfin, je deviens un petit bonhomme doucement gâteux, comme a dit je ne sais plus qui. J'espère me retaper en quittant ma famille et en allant je ne sais où. à Avignon peut-être? pourvu que je sois seul. J'en ai un violent besoin. Je voudrais aussi ne plus lire, pouvoir vivre une vie purement animale, mais au soleil et au vent. Mais ah! ma pauvre constitution!... Enfin. Parlons de vous. Comment allez-vous? J'espère aussi bien que possible: Pierre plus gros et plus costaud que jamais, et ma chère tante Madeleine toujours aussi jolie que le jour du vernissage au Salon. Donnez-moi bientôt de vos bonnes nouvelles et si ce gros Pierre est devenu trop uniquement peintre pour savoir faire autre chose que vomir des couleurs, alors vous, ma tante, prenez la plume et faites couler, en mon honneur, un peu d'encre. Je ne suis pas tout à fait indigne de vos confidences, allons, racontez-moi un peu ce que vous faites. En tout cas j'espère que tout ira pour vous de mieux en mieux (pour autant que c'est conciliable avec les lois de ce méchant planète!!!) et croyez-moi comme d'ordinaire bien à vous
Eddy
Hôtel de l'Europe
Rue Alberti, Nice.
Origineel: particuliere collectie