E. du Perron
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Julia Duboux

Brussel, 29 januari 1926

Bruxelles, 29 janvier '26.

Ma chère Julia,

Vous ne me répondez pas - pourquoi?

N'auriez vous pas le temps? pardonnez-moi de supposer cela mais enfin, sait-on jamais; ou bien, ayant le temps, préférez-vous l'utiliser pour composer une réponse prudente? Pardonnez-moi encore, mais enfin, vos dernières lettres me paraissaient extrêmement prudentes; par ‘prudent’ j'éntends: mesurée, digne, un juste mélange d'ironie et de réserve, etc.

Vous savez ou devriez savoir que personne moins que moi ne voudrait vous blesser, mais si par hasard j'avais deviné juste - à vous seule d'affirmer ou non, mais ‘à vous seule envers vous seule et en toute sincérité’ (!) - alors, Julia dear, ne m'envoyez pas la lettre que vous me préparez. Même s'il n'y avait plus rien entre nous que l'amitié, la prudence, entre nous, serait détestable.

D'ailleurs, je vous l'ai dit: j'aime la femme que vous êtes; je ne m'intéresse que très peu à la femme que parfois vous aimez être.

Ne prenez point ceci pour une méchanceté - vous croyez si vite à des méchancetés de ma part - mais pour une franchise; d'ami si vous voulez.

Je vous aime, Julia, je vous admire, vous m'intéressez et je n'y puis rien, je vous trouve presque ‘supérieure’, si vous me permettez le mot; vous êtes probablement la seule femme qui, en tant qu'être, compte pour moi. Mais tout ceci ne regarde que la Julia que vous êtes. Soyez donc celle-là pour moi, si indigne que je sois. Quant à la femme que vous me ‘destinez’, que j'ai ‘faite’, dites-vous, cachez-la, je vous en prie. Ou permettez-moi au moins de la refuser, comme amie, comme confidente (même de tragédie), très complètement enfin. Elle me ressemble trop, je ne sais déjà trop que faire de moi-même, prenons ceci comme raison. Je vous salue respectueusement et vous redemande une lettre.

Votre Eddy.

Origineel: Den Haag, Letterkundig Museum

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