E. du Perron
aan
Pedro Creixams

Brussel, 7 maart 1924

Brux. 7 Mars '24.

Mon vieux Pedro,

Merci pour ta lettre, et voici quelques ‘renseignements’. Tu ne me reverras plus à Paris avant fin juillet prochain; mes parents ayant l'intention louable de faire le voyage d'Italie je les accompagnerai par économie (3/4) et par curiosité (1/4); on partira d'ici vers le 20, le voyage durera 3 mois, et je compte rester encore quelque temps à Lausanne. C'est ensuite, en rentrant ici que je passerai par Paris; donc, tu es averti! ne te débarasse pas de tes chefs-d'oeuvre vers ce temps-là, donne-moi la chance d'admirer sans réserve. Je suis très content d'apprendre que tout va bien pour vous autres; quant à mon ‘salon’ dont tu demandes des nouvelles, il est bien abandonné en ce moment-ci, je n'entre là que pour prendre ou réinstaller quelque livre, car depuis ma maladie je loge chez mes parents (chambre bien chauffée, etc, etc!) - pour le reste j'ai loué aujourd'hui deux chambres ailleurs, pour y être parfaitement libre, c.à.d. pour m'y livrer à ce besoin de mystère, ou de sournoiserie que tout un chacun porte en soi. Je ne sais pas du tout si j'y vais travailler avec la plume ou avec le gouvernail de profondeur et je m'en fous complètement, le premier besoin étant possibilité de faire l'un ou l'autre
- sans contrôle, sans ambiance aucune, même pas bienveillante.

Et voilà, mon cher vieux. Je suis à bout de souffle; je ne trouve plus rien à te raconter. La vie que je mène ici est fort peu intéressante et ne m'offre aucun tableu, dessin, eau-forte, rien que des décors à la Bonnat ou de chez le photographe. (Ton petit dessin est autrement charmant.) Peut-être que bientôt je pourrais t'écrire mieux; toi aussi tu dois bien savoir que ce n'est point manque d'amitié qui pourrait être cause de mon silence; si je me tais c'est dans l'humble conviction de n'avoir rien à dire. En tout cas, comme ‘preuve de pensées’ je t'enverrai bien pendant mon voyage quelques Vergine - col ou no col bambino. Madeleine va bien? présente-lui toutes mes amitiés, j'aime beaucoup ma tante quoi qu'elle ne m'écrive jamais. Allons, au revoir quand même, mon vieux, je me réjouïs d'avance de constater tes progrès - entre aujourd'hui et fin juillet, qui sait ce que tu auras fait de prodigieux! - tu sais qu'à ton égard je suis optimiste. Embrasse ta femme pour moi (respectueusement!) et reçois toi-même une ferme poignée de main de ton dévoué

Eddy

NOTE: J'ai renié le nom trop ‘galbeux’ d'Eric Grave pour adopter celui - plus effacé - de Duco Pelser. Mais il paraît que Pelser est plutôt criminel; deux types de ce nom ayant assassiné un certain époux; l'histoire est vicille.

Duco Pelser! - Altesse, saluez!

Duco Pelser! - Pour combien de temps???

‘No ay nada de mos ermoso que V.’

Veramentos.

Origineel: particuliere collectie

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