E. du Perron
aan
Pedro Creixams
Brussel, 6 augustus 1922
Bruxelles, 6 Aôut '22.
Mon cher Pedro,
Me voilà de retour à Bruxelles, après un séjour assez court à Bruges. Je peux t'envoyer maintenant les photos promises, elles sout infectes, dégueulasses! J'ai été trop confident, croyant que chaque type qui a ‘Photos. Kodaks’ imprimé devant sa porte, sait faire des épreuves. Et voici le triste résultat. Pourtant tu dois te contenter avec ces épreuves-ci, puisqu'elles sont faites et, ce qui est pire, payées! Plus tard, quand je serai de retour à Paris peut-être, nous pourrons faire tirer des meilleures.
Comment vas-tu, comment va ma Tante? Faites-lui mon meilleur souvenir, et faites aussi mes amitiés à Tristan Rémy et Pascal Pia quand tu les vois. J'espère que pour toi les affaires vont mieux, en tout cas j'ai remarqué avec plaisir que tu n'es point découragé et continues fermement à produire. C'est dans cet état d'esprit qu'on doit vaincre, malgré les obstacles; ce ne sont que les indécis qui perdent d'avance, et ne gagnent.... qu'un peu de pitié.
Je fais de mon mieux de travailler, moi aussi, mais que veux-tu, cette vie errante est peu faite pour un travail assidu; tu ne sais pas comme j'ai envie de me fixer pour tout de bon, pour avoir un home dont je serai le milieu; le juste milieu, j'espère! Tous ces petits voyages, plus ou moins insignifiants, me fatiguent à la fin, j'aimerais être installé. Mais rien ne fait pressentir que je le serai bientôt: au contraire, probablement il me faut retourner aux Indes. Alors l'Europe - Montmartre, la butte, - seront pour moi plus rien qu'un souvenir riche et tentant. Il me sera impossible de calculer quand j'y pourrais retourner; d'ailleurs cela n'a pas beaucoup d'importance, car à Java je me ferai paysan. J'aime mieux soigner des vaches et des poules (même quand ils ne sont pas de Paris) que des articles de journaux. Enfin, ‘nous verrons’ (le mot magique).
Mon vieux Pedro, je te quitte, j'ai encore beaucoup à écrire et il est bien tard. écris-moi si tu en trouves l'envie et le temps, tu sais que tout ce que te regarde m'intéresse toujours beaucoup; je compte donc te lire bientôt et de recevoir de tes nouvelles. J'espère que le Sacré Coeur n'a pas quitté la Butte et reste, après saluts respectueux à ta femme,
bien sincèrement ton vieux
Edgar du Perron
Origineel: particuliere collectie