E. du Perron
aan
O.-J. Périer

Gistoux, vermoedelijk 3 juli 1926

Gistoux, samedi.

Mon cher Périer,

Je vous ai écrit une lettre problamement ridicule et je commence à croire que c'est juste que, comme réponse, j'ai eu jusqu'à présent - rien. D'ailleurs, étiez-vous à Bruxelles? et supposé que vous y étiez, était-ce une raison de vous réclamer un livre (promis; surtout promis!)? Bon; à l'heure qu'il fait je suis arrivé à page 63 (qui est blanche ou à peu près) de votre livre. J'ai été continûment, délicieusement, étonné; c'est charmant, à peu près ‘incompréhensible’, et je l'ai lu presque comme si c'était un roman policier. J'aime ces phrases isolées qui se suivent, qui ne forment presque jamais ‘corps’. Imaginez-vous Rocambole, qui lui aussi est un peu, beaucoup, ange, écrit autrement. Mais évidemment, ici, il y a - ne vous défendez pas - la pensée en plus! Quant à moi je me suis refusé à la découvrir, à la détacher du reste, si vous préférez (mais vous ne préférez rien), - vraîment, il me semble qu'on n'a qu'à se laisser flotter sur vos phrases et à se contenter - assez voluptueusement - de ce qu'on nomme en litérature l'atmosphère (voir page 7). Bref, faites-moi la grâce d'enlever à ce que je vais dire tout sens vulgaire, alors, voilà: ‘C'est terriblement gentil.’

Je me demande seulement pourquoi les poésies sont imprimées en plus petits caractères. L'avez-vous voulu ou est-ce la N.R.F. qui ‘fait ça comme ça’? Il me semble que l'atmospère qui est partout, (en tout cas jusqu'à présent) poétique, ne devient - en tant qu'atmosphère poétique - à peine plus dense dans les morceaux intercalés, - d'ailleurs, je veux bien que vous les ayez intercalés, mais (toujours jusqu'à présent) il me semble que le lecteur croira plûtot écrits spontanément après ce qui précède et que l'élévation poétique, si élévation il y a, paraît quasi fatale, et en quelque mesure, logique.

Enfin, jusqu'à présent, et quoiqu'il diffère assez de l'auteur du Citadin, je n'ai su voir qu'un poète à l'oeuvre. Je vois que vous parlez de contes-de-fées, mais enfin, si on ne se laisse pas trop tromper par le miracle pour le miracle, il y a des contes-de-fées, avec beaucoup plus de miracles, beaucoup, ‘très-beaucoup’, plus prosaïques.

Mais peut-être unjour nous donnerez-vous la traduction en prose des aventures d'Alpha-Michel-Misère134 qui sera, assez simplement, le journal intime de XXXX. XXAX. (Odilon-Jean Périer). - Je ne suis peut-être pas si indiscret que vous le croyez car, si votre livre est un jeu, je n'y vois pas un jeu de cache-cache. Je ne cherche ni dans, ni derrière, vos anges*; s'ils sont vous, après tout, que voulez-vous que ça me fasse? Même je vous avouerai, moi qui ne suis qu'à la page 63, que j'aimerais mieux ne pas trouver plus loin, même pas à la page 222, la clé des anges. - Mais j'aimerais assez recevoir, si jamais ce journal paraissait, un exemplaire des mains de l'auteur: (vous aimez le mot, vous vous en servez, ironiquement ou non, peu importe).

Au revoir, peut-être, et bien à vous

EduP.

134De drie engelen uit Le passage des anges.
*Je les accepte, aussi paresseusement possible.
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