E. du Perron
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Suzanne Lonneux

Brussel, [eind mei 1927]

Chère Mademoiselle,

Le terrible vieux monsieur – c’est un ami des Indes – n’est toujours pas arrivé; si j’allais à Knocke, je risquerais d’être rappelé d’urgence par ma mère, parce qu’il me faudrait absolument être là, selon ma mère, pour recevoir le bonhomme. D’autre part, lorsque je m’étais décidé à partir lundi je n’avais pas pensé aux jours de fête et à tous les libérés qui courront à la mer. Force m’est donc d’attendre jusqu’au moins mercredi, qui est le 8. Mais je vous propose mieux, au risque d’encourir votre mauvaise humeur. J’irai d’abord à Paris, le 12 ou le 13, je rentrerai sans faute le 17 ou le 18, et je serai accompagné d’un ami français dont je dois vous avoir parlé: Pascal Pia. Comme lui brûle d’envie de passer quelques jours à la mer, nous pourrions magnifiquement combiner l’affaire: je l’amènerais à Knocke et vous auriez deux cavaliers (si j’ose m’exprimer ainsi!) au lieu d’un. Au point de vue pécuniaire aussi - un point de vue grave, mademoiselle – il me serait de beaucoup préférable d’arranger cela ainsi; je ne serais plus obligé à compter avec ‘ce dont j’aurais probablement besoin à Paris’, puisque le voyage de Paris serait fait, et je pourrais épuiser en toute tranquillité de conscience mes ‘dernières ressources’ à la mer. Je ne demanderais plus qu’à pouvoir payer mon ticket jusqu’à Bruxelles, ou mieux encore jusqu’à Gistoux, où j’attendrais le nouveau mois en me nourissant gratuitement à la table de ma mère. Que voulez-vous? On est toujours plus ou moins profiteur dans la vie – toutes les fois qu’on n’est pas victime.

Ecrivez-moi, voulez-vous, si vous êtes d’accord avec mon nouveau projet. Je suis persuadé que vous me taxez de mauvaise volonté, mais laissez-moi vous assurer que vous vous trompez. Je cherche à faire pour le mieux, voilà tout, et puisque vous resterez encore longtemps à Knocke et de toute façon… Et puis, vous connaîtrez Pascal Pia qui est sinon mon meilleur ami, celui d’entre tous mes amis qui m’intéresse le plus; je vous dirais même que s’il venait seul et à ma place vous ne perdriez rien au change. Voyons, mademoiselle, laissez-vous convaincre.

Ecrivez-moi au 9 rue de Belle-Vue. Si vous n’exigez pas que je vienne mercredi, j’irai ce jour-là à Gistoux où je resterai jusqu’à mon départ pour Paris (c.à.d. du 8 au 12). En rentrant le 18 ou 19 avec Pia je devrai en tous cas aller avec lui à Gistoux aussi et y rester pour le moins deux jours, soit le 19 et 20. Nous irions donc à Knocke le 21 ou 22 au plus tard, toujours par ce train qui part d’ici à 9h.15 et qui arrive là-bas à…? avant le déjeûner. Je vous écrirais dès ma rentrée et vous nous garderiez deux chambres. Est-ce convenu? (c.à.d. êtes-vous gentille?)

Croyez-moi, mademoiselle, sincèrement à vous

E.du Perron

(J’oublie toujours de faire transmettre mes respects à mesdames votre mère et grand’mère. C’est ma fâcheuse manque d’éducation. Mais je compte sur vous pour le faire toutes les fois que je l’aurais oublié, et de me remplacer on ne peut plus avantageusement.)

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