E. du Perron
aan
C.E.A. Petrucci
Brussel, 18 december 1922
Bruxelles,
18 Déc. le soir.
Ma chère Clairette,
Je viens de recevoir une lettre du pharmacien d'Ostende (Bauchery), me disant qu'il ne connaît ni ne sait trouver dans un de ses catalogues le nom du remède demandé. Il m'a donné les adresses de 3 pharmacies soi-disant anglaises à Bruxelles; je les ai donné à M. François (ne me rappellant plus les noms des bonshommes que j'ai trouvé moi-même) et il a tout de suite téléphoné; en vain! L'Expectorant reste introuvable.
Mais connaissez-vous le Peppermint-Cure de Wood? Aux Indes cela m'a fait beaucoup de bien, et c'est un remède plus ‘moderne’. J'essayerai de m'en procurer demain et si je suis plus heureux cette fois-ci je vous l'enverrai immédiatement. Cela se prend pur quand la toux est forte, et avec de l'eau chaude quand on ne tousse pas ‘trop’. Je m'exprime bien mal et m'en rends compte - comme je le fais assez souvent je vous assure! - mais l'essentiel est que vous me comprenez.
Comment allez-vous maintenant? Je continue mes promenades, comme je vous l'ai annoncé et vraiment: ‘ça va’. Je serais tellement content à vous savoir aussi ‘retapée’ que je le suis déjà et que je le serai demain! J'espère aussi de tout coeur que vous avez secoué votre cafard, que vous jouissez (de la tête aux pieds) de tous les charmes Parisiens! Votre travail marche toujours? - Ah, Clairette mon amie, je me sens trop stupide et pourtant j'ai tant à vous dire et je pense tellement à vous. Vous êtes redevenue un peu la Clairette lointaine des jours d'avant-Quinto - ce qui n'empêche pas que je compte les jours (aujourd'hui 18, demain 19; 26-19 = 7 jours): dans une semaine je vous reverrai. J'en ai un si grand besoin!
Ici il faut que je vous transmette toutes les salutations, les bonnes pensées, les amitiés, etc. etc. que mes parents - et surtout ma mère - m'ont recommandé 100 fois pour vous et que j'ai toujours oublié. Enfin, nous avons reconnu ensemble mon égoisme démesuré. Chaque fois que j'annonce:
- J'ai reçu une lettre de Clairette; - ma mère demande: - Et comment va-t-elle? - et elle s'inquiète de votre toux et me dit: - Surtout n'oublies pas de faire mes amitiés à madame Petrucci et à elle; - etc. - et j'ecoute et promets tout, mais quand je vous ecris je ne pense qu'à mes sentiments, mes paroles et mes..... intérêts, de sorte que je trouve aujourd'hui sur ma pauvre mémoire une pile d'amabilités qui m'opprime à la fin comme une Conscience tourmentée. Venez voir ma mère dès votre retour, voulez-vous? Elle vous aime beaucoup; et vous savez (j'espère) que quand je dis cela ce n'est pas une formule ni une demie-vérité. Elle sera si contente de vous revoir; elle me l'a dit assez souvent.
Clairette, amusez-vous bien encore 7 jours, sans trop vous fatiguer! - et puis: revenez et vouez moi quelques-unes de vos heures perdues. Même si cela vous est un long ennui il faudrait le faire car vraîment, vous ne savez pas ce qu'est à moi le temps passé auprès de vous. Même ici, ‘au sein de ma famille’, je suis bien seul.
Votre Eddy
Il n'y a que vous et encore vous!
Origineel: particuliere collectie