E. du Perron
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C.E.A. Petrucci

Brussel, 7 september 1922

DOSSIER B/113

- J'essaie de faire un plan de campagne dans cette ennuyeuse affaire du soi-disant ‘achat’ d'Assche. Voici donc les faits, si je ne me trompe:

1. Mlle J. v. der Hecht vient bavarder avec ma mère et lui raconte que ma tante a un château en vue près d'Assche. Ceci sous la sceau du secret!
2. Ma mère et vous en parlent. Qui a révélé à l'autre les projets de ma tante? C'est très drôle: chacune portait un secret et c'était le même! Au fait il n'y avait pas de mal dans cette révélation. Ensuite ma mère vous invite d'y aller pour voir, et vous acceptez. Est-ce une faute, cela, de votre part?
3. On va ensemble voir Assche.
4. Ma tante entend ceci (de ma mère, ce qui est bête comme tout, mais puisqu'elle ne croyait pas avoir malfait elle avoue qu'elle a vu Assche. Ma tante ne dit rien, ne demande même pas si ma mère sait quelque chose de ses projets, enfin, le nom ‘Assche’ est mentionné comme si c'était n'importe quel autre trou.)
5. Ma tante va retrouver sa fidèle Mlle v.d. H. et lui reproche d'avoir révélé le sombre mystère à ma mère. Mlle v.d. H. nie; vient ici pour nous dire que nous devons déclarer avoir lu tout cela dans ‘le Soir’ et s'en va. Elle me parle parce que ma mère n'était pas là. Nous revoyons ma tante: pas un mot entre nous. On ne parle plus d'Assche ni de la visite.

Ceci de notre côté.

Maintenant chez vous se passe ceci:

1. Votre tante sait (par les Artôt?) les projets de ma tante.
2. Elle vous le raconte.
3. En entendant (de votre maman qui elle aussi n'a rien à cacher) que nous irons ensemble voir Assche elle vous reproche d'avoir parlé du ‘secret’ à ma mère. Ne sachant rien de l'indiscrétion de Mlle J. vous avouez.
4. Vous en parlez avec moi et je vous révèle à mon tour (puisque chacun livre un secret!!!) que vous n'avez pas été si indiscrète que ça puisque Mlle J. l'avait été bien avant vous.
5. (supposé) Mlle J. et les Artôt et ma tante tiennent conseil de guerre. Ensuite (puisque Mlle J. ne veut toujours pas avouer, et elle a raison, la pauvre!) Mme Artôt va reprocher à votre tante son indiscrétion.
6. Votre tante avoue? (Ce serait dommage.) Elle vous reproche de nouveau votre indiscrétion et puis elle en fait part aux Artôt? Je le suppose puisque ceux-ci écrivent à votre maman. Que disent-ils? Voilà un point capital! Vous ne me le dites pas.

Maintenant écoutez.

Si les Artôt vous reprochent affirmativement votre indiscrétion, donc si votre tante le leur a dit, avouez que vous en avez parlé avec ma mère mais dites que c'est ma mère qui vous a invité et que vous n'avez rien fait qu'accepter. C'est la vérité. - S'il s'agit aussi des projets de ma tante, dites que ma mère savait déjà cela; que c'est elle qui vous en a parlé. C'est encore la vérité. Mais ne dénommez pas Mlle Jeanne, si ça se peut. Elle sera tellement grondée, la pauvre. Maintenant, s'il n'y a pas autre moyen, dites-le évidemment tout de même et si on vous demande de qui vous savez cela, nommez moi.

Mais si les Artôt ne font que demander, dites-leur que vous n'en savez rien. Que vous n'avez rien fait que recevoir une invitation de ma mère et l'accepter. Que vous croyiez ma mère au courant, mais qu'on n'en a pas parlé. - Ainsi ils n'auront qu'à chercher leur coupable dans une autre direction ou gober la légende du ‘Soir’! J'espère que votre tante n'a pas trop raconté aux Artôt.

Mais tout ceci ne s'agit que de l'indiscrétion (si c'en est une) de voir Assche.

Quant à l'autre d'avoir acheté Assche; elle est complètement inexacte, en ce qui nous concerne. Qui est donc la personne qui a trouvé cela le premier? Vous pourrez la rassurer, et cette fois-ci, s'il vous faut un nom, usez le mien sans hésiter.

Dites que je vous ai assuré (et je le fais en vérité en toute honnêteté) que mes parents n'ont pas seulement pas acheté le château en question, mais n'en ont jamais eu ni l'intention ni même l'envie.

Si Assche est vendu, tant pis pour ma tante, mais ce n'est pas à nous!

(Mais si vous voulez, j'arrangerai cette histoire ici avec ma tante. J'ai horreur des complications dans des affaires de peu d'importance. Je ferai promettre ma tante de ne pas gronder la pauvre Mlle J. - et je lui raconterai (en secret aussi, puisque c'est la mode!!) l'indiscrétion de celle-ci. Ensuite je la rassurerai à l'égard de l'achat. Et tout sera pour le mieux dans le - etc. Vous consentez? J'ai envie de le faire sans votre autorisation; car c'est idiot qu'on vous reproche les indiscrétions d'une autre; et ensuite..... un fait qui n'a jamais eu lieu (l'achat du château par mes parents!)

AMEN

J'en suis fatigué, Madame.

Origineel: particuliere collectie

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