E. du Perron
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C.E.A. Petrucci
Den Haag, 16 juli 1922
Den Haag, 16 juillet '22.
Ma chère Clairette,
J'ai reçu vos deux lettres et les reproductions qui étaient vraiment très très bien. Inutile de vous dire que je les aime! Je vous remercie de tout mon coeur. Vous ne pouvez pas vous imaginer - j'en suis certain - combien la preuve que vous avez malgré tout vraiment trouvé le temps de penser à moi, m'a fait du bien. Retrouverais-je la Clairette d'‘autrefois’?
Pardonnez-moi si je ne vous écris pas longuement. Je vous ai remercié, c'est l'essentiel, ce que je ressens aujourd'hui c'est avant tout une grande reconnaissance. Pour le reste: j'espère que vous voulez me comprendre quand je vous dis que la seule raison de ma ‘méchanceté’ était située dans le besoin de vous épargner des lettres qui forcément ne pouvaient être gaies. Pourquoi voulez-vous oublier de temps en temps que je vous aime?
D'ailleurs que vous l'oubliez ou non, ce n'est pas une raison pour vous répéter toujours la même chose. Je ne suis pas assez maître du français pour faire des variations agréables et je n'aime pas vous fatiguer.
Je serai vendredi prochain vers 1h.½ à Bruxelles où je resterai 2 ou 3 jours, puis j'irai à Paris pour prendre Jeffay qui m'accompagnera à Bruges. Si vous êtes libre vendredi pour le reste de l'après-midi écrivez-le-moi; je viendrai vous voir vers 2h½, si cela vous va.
Voilà, contentez-vous de ceci pour le moment, ma chère amie. Vous savez très bien que je suis toujours à vous, toujours et tout-à-fait, peut-être me croirez-vous quand je vous assure que n'importe combien vous avez pensé à moi, j'ai dû penser encore plus à vous! Mais gardons ce qu'il reste à nous dire pour quand nous nous reverrons. J'ai horreur, je me sens incapable d'ailleurs, de mettre sur papier ce que je sens, de vous raconter ici ce qui s'est passé en moi. Et les faits divers de la vie journalière ont trop peu d'importance: la Haye est charmante, je crois, il y a un musée qui n'est pas mal, Anton (puisque vous demandez ce qu'il devient) continue de se fâcher régulièrement contre moi parce que je m'obstine en refusant de le proclamer à tue-tête le plus grand poète lyrique de notre siècle; j'ai retrouvé Ferdy à Rotterdam, malade, triste, complètement changé; peut-être il viendra me trouver à Bruges. Je crois que c'est tout.
Dites-moi si vous avez besoin de quelque chose d'ici. Au revoir, à vendredi, j'espère. Mes respects à votre maman, à vous tout ce que vous voudrez. Je suis à vous
Eddy
Origineel: particuliere collectie