E. du Perron
aan
F. Hellens
Brussel, 4, 11, 18, of 25 februari 1929
Bruxelles, lundi soir.
Mon cher ami,
Je reçois à l'instant ta lettre. Si je vois Stols avant vendredi je tâcherai de le faire venir avec moi. Je lui ai apporté tout à l'heure le manuscrit de ton Enfant, mais il n'était pas chez lui et j'ai laissé le ms. chez Greshoff qui, comme tu sais, demeure à dix pas de chez Stols. Bien. Entre nous, je crois que Stols qui se plaint beaucoup de la ‘crise’, comme tout le monde, ne se décidera pas de faire tout le livre, mais un choix de quelques chapitres pourrait le tenter - et il me semble que l'oeuvre ne peut qu'y gagner. Quand on connaît le Naïf539 on y trouve des longueurs, des redites, - on a l'impression qu'une grande partie de l'Enfant se trouve déjà dans le Naïf. Quel magnifique bouquin aurait fait un choix des meilleurs chapitres des deux livres! mais je t'entends déjà me dire que tu as dû céder les droits à Emile-Paul... Pour conclure: personnellement j'aimerais te conseiller - à toi et à Stols - de faire un choix dans l'Enfant. Les chapitres que je préfère, moi, sont: Les Géants, La Chasse au Canard, Les seins de Jeannette (évidement!), Le Concours de Lecture et La Confession. - Ensuite Le Merle, Le Boucher, - La Petite Flûte aussi, peut-être, mais c'est un peu long. Il serait curieux de voir les chapitres que Greshoff préfèrera; je lui ai dit de lire, le plus vite possible, le manuscrit, avant de le passer à Stols. Il y aura, entre Greshoff et moi, au moins cette différence que lui ne connaît pas le Naïf et moi bien.
Autre chose. J'ai reçu ce matin les Hors-le-Vent540 dont je te remercie vivement. J'ai lu les trois premiers contes et je comprends assez bien que certaines personnes appellent ce livre-là ton chef d'oeuvre. Moi, en toute humilité, je préfère le Naïf. Comme artiste tu y es à peine moins fort, et tu y es tellement plus humain. Les Hors-le-Vent me paraît contenir la quintessence de ton côté ‘halluciné’ - c'est un livre qui n'a rien de satanique, au fond, mais où on a peur des ombres. Mais il me faudrait lire encore les trois autres contes, avant de me prononcer. Jusqu'ici je choisirais, comme toi, Les Soirs de Gand, plus dominé, moins fiévreux que la Cuisine des Fous. De toute façon je porterai aussi ce livre à Stols pour qu'il se rende compte luimême, et tu lui feras voir les dessins d'Ensor.
Je t'envoie, par la même poste, le bouquin de Jaloux. Stols te donnera certainement un exemplaire; - sans cela, tu garderas le mien. Ne pourrais-tu pas faire une note sur ce bouquin pour Den Gulden Winckel, qui pourra faire suite à l'autre sur Soleils Disparus541? Je traduirais cela et tu t'en pourras servir, ensuite, d'ailleurs. Qu'en pensestu?
A vendredi. Bien à toi
EdP.