E. du Perron
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C.E.A. Petrucci

Parijs, 1 mei 1922

Paris, 1 Mai 1922

Ma chère Clairette,

Avant de vous écrire de Paris j'ai d'abord attendu votre lettre, qui n'est venu qu'aujourd'hui; puis j'ai fait la même chose que vous: attendre les épreuves. Les voilà; j'ai été un petit peu plus heureux avec ces bobines-ci qu'avec celles que je vous ai laissée, mais les résultats ne ma ravissent pas. ‘Mektoub’, - ‘il était ecrit’ aux cieux que je n'aurai pas un portrait tout à fait bien de vous! Les deux grands, sans chapeau, ne sont pas mals, mais il n'y a pas de comparaison avec les portraits qu'a fait votre tuteur. Quant aux autres, je ne vous donnerai pas de commentaires, dites un peu vous-même comment vous les trouvez. Je suis surtout désireux d'avoir votre opinion sur l'incomparable photo que vous avez faite de moi à San Miniato, je la placerai dans mon album à côté des grimaces de Charley, le clown du Cirque de Paris.

Je vous envoie, en même temps avec ces photos, le dernier numéro du ‘Crapouillot’, et je cherche encore les deux avant-derniers numéros qui doivent être assez intéressant. - Alors, Quinto est prise! - et vous allez travailler? Où est votre programme? Ah, j'oublie que vous avez été malade; vous êtes bien mieux aujourd'hui, j'espère? Je crois que vous ferez bien d'être prudente, Clairette, vous aviez très mauvaise mine les derniers jours que j'étais à Florence; et, quoique j'aimerai le contraire, je me demande si ces longues promenades vous font du bien. Un peu de sport, - très peu à la fois au commencement - sera mieux pour vous, je crois, que de marcher à peu près toute la journée. Et avec ces belles théories j'ai pourtant profité de votre compagnie tant que possible, avec parfait égoïsme, vous volant, après diner, encore quelques heures de sommeil par-dessus le marché! Que faites-vous maintenant? - j'espère que vous ne devez pas garder votre lit? - Et madame Petrucci va toujours bien? Et M. Benoit, malgré qu'il a volé Chesterton, vous plait?

Mademoiselle van der Hecht est venu ici et reparti pour Bruxelles, elle n'avait que deux jours: nous avons visité le Louvre, le Musée Rodin, et nous avons admiré (en pensée) le tombeau de Napoléon à travers une grille fermée. C'était tout. Vous savez maintenant que j'ai enfin vu le Louvre; je vous assure que je le reverrai! Je n'ai d'abord pas aimé votre Christ du Gréco, mais en y pensant je trouve que ça m'a laissé tout-de-même un souvenir agréable, la tête du Christ est sans doute belle (quoique ce n'est pas le Christ tel que je me l'imagine), mais ce que je n'aime pas du tout sont les têtes des deux hommes en bas, sans doute des martyres, comme ceux de Bruxelles!! - Le Pieta d'Avignon, que j'aimerai beaucoup - j'en suis sûr - a été déplacé, à sa place je n'ai vu qu'un grand vide, avec deux clous et une petite carte; le gardien me disait que le tableau doit se trouver maintenant dans une exposition dans la Colonnade, qui n'est ouverte qu'à deux heures a.m., - et c'était le matin, que j'y étais. J'irai le chercher un de ces jours. Je voudrai vous parler de beaucoup d'autres choses, mais pour le moment je suis très mal disposé, ce sera pour une autre fois, si ça vous ne fait rien. Je ne vous reverrai donc pas après trois semaines, ce sera pour fin juin. Je ne peux rien vous dire encore sur nos projets; mes parents cherchent des appartements, jusqu'à présent sans succès; probablement nous serons en juin ou juillet en Hollande. Le départ pour les Indes est à peu près fixé pour 14 novembre. Je peux donc encore étudier un peu ici. J'ai commencé à étudier la renaissance italienne, mais les livres que j'ai à ma disposition sont insupportables: mal écrit, sans le moindre enthousiasme, de vrais livres d'école (mal déguisés), avec un pédant au lieu d'un artiste qui parle. Pour le moment je me contente avec ce que j'ai, mais je cherche autre chose. Je vous en reparlerai.

Puis j'ai travaillé; malgré moi peut-être, et par votre faute. Je suis très occupé, mais il n'y a encore rien de défini, de formé dans ce que je fais, rien qui se laisse résumer; c'est pour cela que je préfère attendre à vous en parler.

Ceci est une lettre bien fade, je le sais. Je vous écrirai plus et mieux bientôt, mais écrivez-moi, vous aussi! Devenez bientôt forte et gaie, surtout maintenant que vous avez Quinto, et parlez moi de votre travail. Mes respects à madame votre mère et, ne l'oubliez pas, à M. Prunes. Je le connais peu mais il m'est très sympathique. Je suis, comme toujours, à vous:

Eddy.

Origineel: particuliere collectie

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