E. du Perron
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C.E.A. Petrucci

Pisa, 19 mei 1923

Pisa, 19 Mai le soir.

Ma chère amie,

Il fait sombre maintenant et j'ai perdu quelque peu ce sentiment d'exubérance, ce besoin de vous taquiner qui m'a pris ce matin, ce ton cocasse et Cocardasse qui doit vous être bien antipathique, en somme.

Ne m'en voulez pas trop Clairetty, j'éprouve trop le besoin de me déguiser par moments, d'être ‘jeune’, volubile, ironique tant que je peux, plutôt que de paraître sentimental. Mais toutes ces petites taquineries font très souvent plus de mal qu'on ne le suppose à d'autres; je le sais. Franchement, je crois que vous êtes déjà assez désappointée par moi comme ami; et puis: je le sais bien que je vous ai fait assez de peine, moi aussi; seulement, vous savez, Clairette, au fond je suis toujours là à faire pour vous tout ce que je pourrais, et je voudrais tellement que - malgré tout - vous le savez bien. Je vous en donne la preuve par un geste, c'est mieux qu'une lettre, je vous en avais déjà écrit une où j'avais fait de mon mieux pour être ‘indifférent’; ensuite j'ai trouvé cela trop bête et je suis venu moi-même; pour vous ‘retrouver’.

Maintenant ne me comprenez pas mal. Je ne viens pas pour m'imposer à vous comme confident avec une indiscrétion de tous les diables, mais si ma présence peut vous être de la moindre utilité, je vous en prie, considérez-moi tout à fait comme l'ami que je n'ai pas cessé d'être et ne craignez pas me faire de la peine et tout cela. Ce serait si ‘bourgeois’, entre nous. - Mais si vous me trouvez indiscret, importun, dites-le moi aussi, je vous en prie. Nous parlerons de mille autres choses et moi, en tout cas, je n'aurai rien à vous cacher, je vous crois trop intelligente pour cela, - malgré quelques mal-entendus qu'il y a eu entre nous. Au fond (toujours ce fond) nous nous avons toujours bien appreciés, n'est-ce pas, Clairetty?

Voilà, à bientôt, j'espère.

Votre

Eddy

Origineel: particuliere collectie

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