E. du Perron
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Julia Duboux

Monte Brè, 20-21 augustus 1924

Brè 20 Août le soir

Ma femme aux cheveux lourds - ma femme, n'est-ce pas? et ce soir, si vous étiez assez près pour m'entendre, vous trouveriez que je prononce le mot à peine moins brutalement, moins positivement que l'autre - l'autre dont on ne veut pas parler pour le moment - puisqu'il n'y a au monde qu'Eucharys et Eddy, Eddy et Eucharys - ma chère chère femme aux cheveux lourds, j'ai trop à vous dire, ce soir, après votre seconde lettre inattendue, votre lettre qui de nouveau a fait surgir en moi ces seuls mots: magnifique, épatant! - car à l'encontre de vos craintes M. Duco Perkens n'a même pas osé exister - que ces mêmes deux stupides mots que j'applique à mon Eucharys, sans hésiter, sans réfléchir, et auxquels je sais seulement ajouter: je l'aime, je l'aime, je l'aime..... Points de suspension mais qui indiquent simplement la répétition - et l'infini. De mon amour, de tout ce que j'ai de tendresse en moi pour vous, de tendresse et de dévouement, Eucharys, très-chérie, et d'admiration, et de reconnaissance. Cela ne vous suffit pas? Vous avez raison, vous méritez davantage. Alors, voyons, que puis-je vous offrir, que pourrais-je? si vous étiez ici ou ailleurs, à Venise, - oui, - à Venise.... des baisers, des regards, des caresses, des mots doux et gentils, mais prononcés à peine - et que vous devriez saisir au vol, et malgré leur bourdonnement peut-être, que vous devriez saisir ‘avant la lettre’, comme je saurais comprendre les vôtres, et vos silences. Beaucoup de silence, n'est-ce pas? autour de nous et.... par nous; non, on n'a pas besoin de se parler. On se comprendra si bien, Julia, Eucharys, sans même se parler. Ecouter soi et écouter l'autre, surtout écouter l'autre - en plein silence. L'autre, Vous. Vous qui êtes épatante. Le mot est bête, je le sais, et presque vulgaire même, mais je saurais le prononcer avec l'accent voulu, ce soir, si vous étiez ici. Ecoutez-le un peu, vous qui aimez les mots nouveaux, ou le sens nouveau des mots, écoutez comment je le prononce. La voix en moi, en plein silence. Julia, vous êtes épatante! Julia, Eucharys, mon Eucharys, n'est-ce pas, sous ce nomlà au moins vous n'êtes qu'à moi seul, mon Eucharys chérie - chérie, vous êtes épatante! Vraîment admirable, et vraîment epatante!

Si je compare vos paroles à ceux, au triste bavardage ou bien très controlé ou bien très plat dont je me suis contenté. Je suis si peu fait pour aimer le genre midinette, after all; avouez; je suis bien un peu digne d'une femme aux cheveux lourds, ne croyez-vous pas, de ma femme aux cheveux lourds que je ne donnerais pas pour toutes les autres; vous souriez? vous vous dites peut-être: ‘assez de prétention, quand même, mon petit; digne? digne? est-on jamais digne?’ et pourtant: Eucharys et Eddy, Eddy et Eucharys que faites-vous de ces heureux mortels, s'ils ne sont pas dignes l'un de l'autre? Digne en tout: sincèrité, spontanéité, ardeur - ardeur aussi, n'est-ce pas? - et tendresse, et fidèlité (mais oui, pourquoi pas? satyre de Duco Perkens, arrière!), et fidèlité, ai-je dit, et.... et... Amour. Amour qui résume tout. Avant-hier vous vouliez m'aimer tristement, vous me demandiez la permission (car j'ai été un très méchant enfant gâté - mais vous saviez bien, au fond, pourquoi) de m'aimer tristement; aujourd'hui.... Aujourd'hui vous étiez admirable. Et hier quand j'ai reçu votre lettre j'ai été très gai, et aujourd'hui ni gai ni triste, mais très simple. Très heureux, très conscient du complet et de l'incomplet de ce bonheur, très-vous-aimant, et très simple. Vraîment, il n'y avait aucun Duco Perkens. Savez-vous que je leu en ai sérieusement voulu, hier - et aujourd'hui encore - quand j'ai apppris qu'à cause de lui vous aviez déchiré vos trois feuilles ‘tendres’? Promettez-moi, Julia, que vous ne le ferez jamais plus. Envoyez-moi tout, ayez encore cette confiance. Petit à petit, etc.... Vous verrez: finalement... Quel radotage! Soyez sincère et dites-moi, avez-vous vraiment encore besoin de voir? N'avez vous depuis longtemps vu? Que vous pouvez avoir confiance en moi, ma Grande Chérie, toute confiance, tout genre de confiance, très simplement parce que je vous aime, parce que je vous aime, et vous aimerai, avec un amour que je n'ai connu que par vous? Connu - ou connaîtrai. Peu importe. Oh, je sais qu'il y a un avenir: le vôtre, le nôtre; et assez pénible même. Mais en ce moment je me soucie bien peu des ‘frontières du temps’, je les sens abolis par l'Amour* et je vous aime en ce moment comme je vous ai aimé alors; alors: à Lausanne, en juin 1923 déjà, ne l'oubliez pas, et puis un an plus tard, et à Kandersteg, et dans l'avenir. Quand nous serons ensemble, une fois par an - pour adoucir (?) l'attente - quand l'enfant gâté sera tout à fait gâté, à en oublier qu'il l'a jamais été, avant; ou encore plus tard quand définitivement, les trains nous emporteront, les trains et les gondoles, quand nous serons à Venise, ou au Gasthof dont le nom vous a tant séduit (à m'en oublier? mais c'est vrai, je ne suis pas le séducteur), ou tout simplement (encore) chez nous. Vous voyez un peu ce chez nous? Moi pas, et peu importe: je nous vois, nous-mêmes, vous avec votre livre de Boccace, moi - comme vous me voyiez, vous voyez mieux que moi. Vous êtes mon intelligente, ma sensible, mon admirable et surtout ma chérie Julia. Je serai donc près de vous, aussi près que possible et vous sourirez et serez grave tour à tour - comme ce dimanche l'était la femme aimante: celle en robe rouge sombre; souriante et grave tour à tour, mais surtout tranquille. Je ferai de mon mieux, Julia, pour vous voir souvent ainsi. Car cela dépend bien un peu de moi, n'est-ce pas? je le dis sans faux orgueil, sans mesquin plaisir caché. Je vous ferai - j'essaierai - ah non! On n'en parle pas, voulez-vous? Vous verrez bien, vous verrez de plus en plus, combien d'amour, véritable, fort, sincère, il y a en moi pour vous, pour Eucharys, pour Vous, Ma Dame, pour mon Eucharys et pour la Julia, les Julia qui seront bien un jour à moi. à moi seul? au ‘cher grand enfant’? Il y a l'autre, le cher petit. Il y a deux petits, un petit, deux petits, je ne sais plus? il y a nous, dans une alliance terrible - gare à qui ne nous laisse pas tranquilles! - Eddy et Eucharys, Eddy et Julia, et toutes les Julia, sauf le Frau Professor qui aura complètement cessé d'exister vers ce temps-là, - ce temps? aujourd'hui? mais c'est la même chose, - ‘les frontières sont abolis’, du temps; de la distance; nous sommes bien ensemble, moi et les Julia qui m'aiment et que j'aime, et nous nous aimons, nous ne faisons que nous aimer; tellement; tellement.

21 Août, le matin

Le 8 est venu - un jour plus tard mais à la même heure: je réponds à votre ‘compliment du matin - en italien, pour vous faire plaisir: Bon giorno, Giulia; va bene, va bene. Sono tutto il vostro. Sempre. Tutto. Il. Vostro. Tutto il vostro, la mia Dama.

Je vais vous dire comment je passe mes nuits, moi. Je ne vais jamais au lit avant minuit; je m'endors assez vite et tojours vous êtes près de moi - et toute à moi, à votre tour; relisez Ronsard, c'est parfaitement ça; puis je m'endors et je dors (ou presque, mais quoique je ne puis pas dire que je rêve je reste continuellement conscient de votre présence; qui sait, diraient les theosophes, si vos véritables ‘vous’ ne sont vraîment pas ensemble?) mais à 8 heures du matin le soleil est venu, à travers les arbres, les vitres et le reste, et a ‘envahi’ mon lit. Alors je ne dors plus, je vous retrouve, plus consciemment et je me fais calme, très calme, immobile pour ne pas vous effrayer. Vous n'êtes alors plus la femme aux cheveux lourds qu'il faut aimer passionnément, mais la grande petite fille qui a besoin de beaucoup de douceur. Pourtant à force de me faire immobile je vous garde contre moi, tout contre moi, et malgré le soleil, mais la couverture nous protège, jusqu'à 9 heures. à 9 heures on m'apporte mon petit déjeûner. Et je trouve, ou ne trouve pas, sur le plateu quelque correspondance et - le jour commence. Je suis seul.

Le jour, sauf quand je vous écris, comme hier, comme aujourd'hui, je suis moins à vous que le soir. Je suis toujours à vous, n'en doutez pas, mais moins consciemment. Duco Perkens, souvent, me réclame. Il me pousse à étudier l'Inversion Sexuelle de H. Ellis, ou à me ‘divertir’, comme vous pensez, avec les Toulet, Aragon et Perkens. Me divertir? Au fond j'ai répondu à cette remarque avant votre lettre; Toulet, oui, ne fait que me divertir, aussi ne m'est-il que sympathique, et encore pas toujours; Aragon par contre me fournit presque une profession de foi! Les livres, en somme, ne sont que des témoignages - qui se ressemblent chez les imbéciles (vous savez: ceux qui ne changent jamais) et qui peuvent varier beaucoup, comme p. ex. chez les intelligents genre Cocteau, on pourrait dire: ‘les éternels essayistes’. Ce qui compte c'est l'homme et dans l'homme - soyons franc! - son attitude. Il n'y a que des attitudes; vous même vous disiez fort bien que pour écrire il fallait toujours faire un choix. Et c'est l'attitude d'un type comme Louis Aragon qui me séduit autrement que tous les efforts d'un type comme - ne disons pas Radiguet, car Le Diable au Corps est franchement supérieur au Bal d'Orgel - comme mettons: Paul Hamp. Ou Jules Romains - ou même Georges Duhamel, si vous préférez. Le genre sérieux, soucieux, quoi? le genre ‘turbiné’. Peut-être parce qu'on sent, que pour peu qu'il veuille un type comme Aragon est ‘fichu’ de pondre autant de ces oeuvres-là que vous voulez. Ne croyez pas surtout que j'aime le genre ‘humoristique’! J'ai horreur des Béraud, des Dekobra, des Courteline (vous voyez que je les mets tous dans le même sac), c'est pour cela que, malgré tout, Toulet ne m'emballe pas. - Mais autre histoire, qui pourrait mieux vous amuser. Ce matin, en même temps que votre 8, m'arrive une lettre de Peeters avec une coupure de journal, une quasi-critique de certain sieur Emanuel de Bom, croniqueur littéraire assez connu en Flandres, qui sous le titre ‘Concombriana’ ereinte dans son journal et mon célèbre Berckelaers (Seuphor) et notre ami Perkens. Ecoutez. Après avoir donc comparé Seuphor aux plus pitoyables rimailleurs de mirlitons que la Belgique a connus, il dit (et je traduis):

‘Le même éditeur nous envoie un autre recueil5 qui nous paraît un peu moins idiot. Il s'intitule: Le Bien Meuble par Duco Perkens, et est illustré par onze images d'Oscar Duboux, auquel, du reste, le livre est dédié: A toi, mon vieux Jacques!6

‘Nous donnons un exemple. C'est le commencement:

 
Dans une ville.
 
Peu importe laquelle.
 
Au vingtième siècle.
 
Pour éviter des anachronismes possibles.
 
Le héros peut s'appeler Nameno
 
Petite inversion de No Name.

Etc. Etc.

C'est à désesperer: ce Perkens est presque partout génial - par conséquent au bord de la folie!’

Puis, ramassant ces deux pauvres sires, Seuphor et Perkens, en une puissante poignée:

‘Sur la tombe de ces poètes,’ - s'exclame le digne homme - ‘on pourrait écrire cet épitaphe spirituel que Multatuli a fait pour eux:

Onder dit steentje (Sous ce pierre)
Ligt een fenomeentje!! (Gît un petit phénomène)

Et pour faire sauter aux yeux de ses non-moins dignes lecteurs ce que c'est qu'un véritable poète, et pour s'excuser en même temps du fait, dit-il, qu'il leur a servi cette salade de concombres, il n'a pas honte (c'est toujours lui qui le dit) de faire imprimer une poésie du poète mort.7 Un Tel, intitulée Nuit et qu'on peut, dit-il, ‘silencieusement chuchoter devant soi’.

(Suit la poésie.)

C'est vous dire, Julia, que Duco Perkens s'est trouvé aujourd'hui, dès son petit-lever, d'une presque féroce gaité. Il m'a confié quelque chose qu'à peine j'ose vous communiquer: ‘Mon cher, l'ordure des const.p.s les plus beaux lauriers.’

Laissons-le; vous ne l'aimez pas. Je vous aime. Entre lui et Eucharys bien certainement je choisis Eucharys. D'ailleurs ne suis-je pas ‘amoureux’: bêtement, complètement, délicieusement, tandis que lui affecte de ne l'être jamais? Quels points avons-nous en commun? Eddy et Eucharys deviennent de plus en plus, et malgré les circonstances, inséparables. Perkens, tout seul, se réjouit d'horripiler la multitude.8 C'est un jeu; aimablement dangereux. Nous, nous, Eucharys chérie, nous ne jouons pas. C'est chose très grave que d'aimer. Que d'aimer dans des circonstances peu favorables. Tenez, j'ai quelque chose pour ma ‘voyageuse’. Une carte postale: avec le pont du chemin de fer qui me nargue quand je suis sur mon balcon, ce ponte di Melide qu'il faut traverser pour se rendre à Milan. Je veux qu'il vous nargue aussi. Soyez tranquille, un jour

un jour n'est-ce pas?

nous nous vengerons. Nous passerons sur lui, et ce qu'il y aura de mieux, sans aller à Milan! Ce sera pour aller à Venise, mais on passera sur lui quand même.

Et j'ai encore autre chose pour vous, vous avez été trop gentille, je veux vous combler de cadeaux! une carte, non, un plan: des trois lacs. Vous étudierez cela longuement, won't you? Trouvez Lugano, Stresa, Pallanza. Trouvez aussi Saló, à la ‘Riviera Italienne’, - mais oh, je me trompe, ça se trouve plus loin, au Lac de Garde, il faut passer par Milan pour aller là. Eh bien, on passera! Je veux passer un automne avec vous à Pallanza, et un hiver à Saló, si vous voulez bien. (Si tu veux bien.)

Et j'ai encore autre chose pour vous, still more! une photo, une toute petite photo que la vilaine femme rousse a faite de la plus vilaine femme aux cheveux (maintenant) coupés. Pour les cheveux coupés même, pour les prouver - à la famille. C'est le grand drame à la mode des familles, n'est-ce pas? - une fille, ou une femme, ou une cousine s'en va - une lettre vient... - Mon Dieu! la fille ou la femme ou la cousine s'est fait couper les cheveux! - Mais peut-être parce que les cheveux coupés réclament quelque mâle présence, on m'a appelé, d'un balcon à l'autre: Mijnheer, Monsieur! - et j'ai dû m'afficher derrière les cheveux coupés. Me voici. J'étais pâle et ‘ma compagne’ fut rouge. Regardez.

Julia, j'écrirais bien jusqu'à demain. Il est 11 h. 1/2; ça m'est égal. J'aimerais vous parler de mille choses: gaiment, ironiquement, confidentiellement, tendrement, tour à tour. ‘Eucharys, je vous aime’ et ‘Duco Perkens s'amuse’ à la fois. Vous m'aimez trop. Il y a un contre-poids possible: - Je vous aime trop. Je n'ai pas répondu à mille choses dans vos trois lettres, mais j'y répondrai encore. Pour le moment la tête me tourne. Vous avez été vraîment trop gentille. Trop peu ‘réservée’, ‘controlée’, ‘economisée’, - trop magnifique; trop admirable. Et vous aimez une Mahaut d'Orgel! Allons, Julia, vous vous trompez, tout bonnement. Croyez-moi et croyez Duco Perkens: François de Séryeuse est un ballot, et Mahaut une poupée de massepain attifée d'une robe de communiante. Si Duco Perkens affectionne les ‘navets’ lui, au moins ses navets sont plus intéressants. Je vous assure qu'ils sont plus intéressants. Vous devriez apprendre le hollandais (bah! je vous l'apprendrai en quinze jours, plus tard: quand vous m'apprendrez l'italien, le français et l'italien.) Tiens, oui, voilà une chose à faire: je vous apprendrai l'anglais et le hollandais, vous m'apprendrez le français et l'italien. Pendant l'anglais on s'aimera tendrement, pendant le hollandais sérieusement, pendant le français gaîment9, pendant l'italien passionnément. Vous voyez: vous rechercherez plutôt mes leçons et moi les vôtres. I love you, ik houd van je, je vous aime, ti voglio tanto bene.

Ce sera bien autrement ‘absorbant’ que le jeu d'échecs. Depuis deux jours je joue aux échecs avec la femme aux cheveux coupés. Elle est très gentille, très simple, très laide. Oh, hier soir, après la lettre de mon Eucharys, je l'ai beaucoup appréciée. - Vous devriez apprendre le hollandais: vous connaissez Musa et Nameno (peu), mais vous ne connaissez pas du tout Claudia, Otto et Erasme. Pourtant, ils pourraient vous ‘divertir’ (oh le vilain mot). Confidence pour confidence: ce sont plutôt les Séryeuse et les Mahaut d'Orgel qui me divertissent, qui me font justement tout, sauf m'émouvoir. Pourtant, je ne dédaigne point d'être ému. J'aime par ex. beaucoup certain Vagabond Sentimental. Ses amours s'appelèrent: Erigone et Cléopé. Mais Surtout Erigone. Erigone, Eucharys. Je copie, pour mon Eucharys, qui aime être émue, ceci que j'ai trouvé émouvant:

‘Ce n'était peut-être pas le désir, car il l'aimait encore plus qu'il ne la désirait; c'était l'obsession de savoir si elle serait ou ne serait pas à lui: cette certitude lui paraissait indispensable, sans qu'il sut pourquoi. Et cependant il l'aimait assez pour ne la posséder jamais, si elle l'eut voulu ainsi.’ (J'ai souligné ces derniers mots, les plus émouvants, et qui excusent les autres.)

Le chevalier et sa dame ne sont pas d'accord mais ils s'embrassent étroitement.10 Ils le feront toujours, ne croyez-vous pas? s'ils ne sont pas d'accord? Et le chevalier n'essaiera jamais d'‘améliorer’ sa Dame, et la Dame ne tâchera pas d'‘accomplir’ son chevalier? Car cela, (remember à votre tour): ‘c'est le commencement des embellissements, des piédestals - de la débacle!’ Savez-vous où vous avez lu cela? Il y a encore certaines autres choses; que vous lirez; un jour.

Un jour...

toujours:

toujours:

un jour...

Il faut qu'il vienne, ce jour. Il viendra, croyez-moi.

Midi. Je vous quitte, Eucharys, oh, pas pour longtemps. Je suis toujours à vous - et tout à vous. Don't forget. Aimez-moi comme vous le voulez, pardonnez-moi toutes mes ‘méchancetés’. C'est vrai, vous, vous ne savez pas être méchante. Je ne devrais jamais plus me ‘méfier’. La Femme. Une femme. Eucharys, mon Eucharys n'est pas une femme. De toutes les nymphes imaginables, la plus fidèle était Eucharys. Aussi fut-elle aimée par Eddy, en toute fidèlité.... Maintenant, donnez-moi votre bouche, Eucharys - à vous

Eddy

Suite (1 h. ½)

... Maintenant, donnez moi votre bouche, Eucharys. Et embrassez-moi, voulez vous - veux tu? - et prenez moi dans vos bras comme vous seule savez le faire. Avec un serrement à la fois maternelle et....? Et d'amante. De véritable amante. Vous vous souvenez que jamais je n'ai cru à votre insensibilité ‘physique’? Je vous trouvais bien trop complète pour cela. Pourvu que l'autre - l'autre, soit fait pour vous aimer. Pour vous aimer, n'est-ce pas, vous tout spécialement. - Croyez-vous que c'est moi, cet autre? Je vous avouerai que parfois j'ai peur. Vous pourriez tout à coup trouver en moi ce quelque chose de brutal, de primitif - qui vous déplaît tant. Je me suis promis que je serai très prudent. Serai? Si elle le veut. Eucharys et Eddy s'aimant, très-librement, comme dans les stances à Cassandre: cela devrait être quand même très charmant. Jamais rude, jamais brutal. Oh, ça au moins, je vous le promets. Seulement - et ceci est pour moi la grande question - serais-je maître de moi, comme je l'ai été toujours, jusqu'à présent? J'ai raison de croire que non Vous (c'est de votre faute), vous êtes autre.11 Mais puisque je vous aime, et puisque je vous respecte, et que je vous tiens bien haut en moi, au plus profond de moi, Ma Dame, j'oserai quand même un peu répondre de moi. Non, Eucharys, je ne serai jamais brutal. Donc - doncques - donne-moi ta bouche.... Tu veux? Ti voglio tanto, tanto bene. E sono tutto, tutto - il tuo. E.

Origineel: Den Haag, Letterkundig Museum

*Vive Ronsard!
5Déjà il n'a pas compris; il a vu dans le Bien Meuble un recueil de poésies!
6Evidemment cet Oscar qui s'appelle Jacques est tout fait pour le désemparer.
7Au fond c'était inutile de mentionner sa mort.
8Horripilons! ne divertissons pas.’
9Var. folâtrement.
10Eperdument, étroitement, étroitement, éperdument
11Que toutes.... ‘les autres’.
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